Surintendant en région éloignée : contraintes et avantages

29 avril 2024

Surintendant en région éloignée : contraintes et avantages

Début mars, pendant qu’il voyait des clubs de golf en Montérégie annoncer l’ouverture de leur terrain, Michel Boudreau, surintendant au club Baie-Comeau, regardait de son côté les trois pieds de neige sur ses verts et attendait patiemment les deux averses de 15 cm de neige chacune, selon les prévisions météorologiques locales, devant s’abattre sur la région dans les jours suivants.

«Si tout va bien, si le temps doux revient par la suite, il sera peut-être possible pour nous de songer à ouvrir vers le 15 avril. Ce serait une date record. Rarement nous pouvons accueillir les golfeurs avant le début de mai», précise M. Boudreau lors d’une entrevue concernant le travail des surintendants en région éloignée.

Car la réalité de ces artisans des belles allées de golf œuvrant en région ne correspond pas toujours à celle avec laquelle composent leurs confrères travaillant dans les grands centres plus au sud. Comme point de comparaison, il suffit de penser à la durée d’opération en une saison, d’une région à l’autre, qui fait déjà une grande différence.

«En gros, reprend Michel Boudreau, on ouvre un mois après tout le monde et on ferme un mois avant tout le monde. Le gros de notre achalandage se limite à juin, juillet et août. Même si on ouvrait deux mois de plus, est-ce que les visiteurs extérieurs de la région viendraient jouer chez nous? Je ne le crois pas vraiment.»

«Il y a trois ans, enchaîne pour sa part Jean-François Laprise du club Belvédère à Val-d’Or, nous avions ouvert le 16 avril et c’était la première fois que l’on ouvrait aussi tôt. Les membres et les golfeurs locaux ont donc pu commencer leur saison très tôt cette année-là mais ça n’a pas amené beaucoup plus d’argent dans les coffres du club pour autant. Les gens de l’extérieur ne sont pas venus et, compte tenu de la température pas assez élevée, j’ai dû appliquer beaucoup plus de produits protecteurs qu’en temps normal.»

Cette période écourtée d’activité que connaissent les terrains de golf éloignés fait en sorte que le budget d’opération, pendant que l’inflation frappe fort, est beaucoup moindre que celui d’un club recevant des golfeurs cinq à six mois par année.

«Les prix des pièces et des engrais sont semblables d’une région à l’autre, convient Michel Boudreau de Baie-Comeau mais, dans notre budget, il faut tenir compte des coûts de transport à ajouter.» Il donne alors l’exemple d’un petit ressort essentiel dans un moteur diesel qui était défectueux et qu’il fallait à tout prix remplacer. «Chez le fournisseur, dit-il, la pièce coûtait 25$. On nous l’a envoyée dans une enveloppe et cela a coûté 40$ de plus, juste pour ce transport!»

Entretien et main-d’œuvre

Côté entretien de terrain, les conditions demeurent assez semblables à celles des autres clubs de la province, selon les surintendants interrogés à ce sujet, si ce n’est une différence au niveau des maladies s’attaquant habituellement au gazon.

«Je crois qu’en région, estime Jean-François Laprise du Belvédère, nous sommes moins affectés par certaines maladies typiques aux terrains de golf. Nous avons moins de problèmes associés à des nuits extrêmement humides et chaudes. Par contre, nous avons plus souvent, à mon avis, des cas de fusariose. C’est un champignon qui se développe lors des conditions assez froides, comme des nuits assez froides (15 degrés et moins) et humides. C’est une maladie plutôt nordique.»

Jacques Landry, du club de Matane, parle de son côté des conditions reliées aux attentes des golfeurs.

«Ça dépend souvent de ce que nos membres et visiteurs réguliers souhaitent, mentionne celui qui a été honoré à titre de surintendant de l’année en 2023. À Montréal, par exemple, il est courant de voir des verts qui «roulent» beaucoup, des verts très rapides. Alors il faut couper court, très court le gazon pour obtenir ces conditions. C’est rarement notre cas à Matane.»

Côté main-d’œuvre, comme partout en province, le recrutement représente un bon défi.

«Actuellement, précise Michel Boudreau, j’ai davantage dans mon équipe des «vieux de la vieille» qui pensent à leur retraite que des jeunes de la relève voulant faire carrière dans ce domaine.»

Selon Jean-François Laprise, c’est très difficile pour les surintendants en région d’être concurrentiels, côté recrutement d’employés, par rapport aux clubs de golf des grands centres urbains. Comment attirer les ouvriers en région et les garder?

«On investit beaucoup pour garder nos employés mais ce n’est pas toujours évident, explique-t-il. Chez nous, on a la chance de compter sur des employés qui ont eux-mêmes recruté des gens de leur famille. Sauf qu’il faut toujours s’assurer de garder ce monde-là.

«Dans notre région, en Abitibi, poursuit-il, les golfeurs ont tendance à se promener d’un club à l’autre, partageant leur saison de golf entre la dizaine de clubs de la région. Si nous n’offrons pas de belles conditions de jeu, à défaut d’employés, les golfeurs vont nous éviter. D’ailleurs, aucun club de la région n’a intérêt à ce que cela survienne chez eux. C’est pour cela qu’on commence à parler de possibles ententes avec des agences de placement étrangères. Pas seulement avec les pays latinos connus comme le Mexique et le Guatemala. On parle de pays africains et des Philippines.»

Vive la proximité!

La situation est donc quelque peu différente pour les surintendants travaillant en région comparativement à ce qui se passe par exemple en région métropolitaine. Sauf que ce n’est pas dramatique, loin de là, tiennent tous à préciser ceux interrogés.

«Quand je finis de travailler et qu’il fait beau, souligne Jacques Landry de Matane, je passe à la maison me changer et je reviens au club jouer une partie. Ça me prend à peine quelques minutes!»

«Je ne suis qu’à une minute et demi du terrain de golf, mentionne Michel Boudreau de Baie-Comeau. Et c’est la même chose pour la plupart de mes employés et des habitués du golf. De plus, ça sent toujours bon sur notre terrain de golf, aucune pollution! Sans oublier le côté un peu familial au club, tout le monde se connaît, tout le monde est ami, il y a une belle familiarité.»

Oui, la proximité est le premier exemple venant à l’esprit des surintendants interrogés quand il est question de citer les bons côtés de la pratique de leur métier en région éloignée, mais il y a un petit quelque chose de plus, selon Jean-François Laprise à Val-d’Or.

«Nous avons accueilli il y a quelques années le Championnat provincial junior, rappelle-t-il. Dans le temps de le dire, nous avons recruté 120 bénévoles! Notre communauté est tissée serrée et les gens se sont portés volontaires sans hésiter.

«Même chose, termine-t-il, du côté de la communauté d’affaires. La recherche de commanditaires se fait bien car les entreprises sont souvent fières d’être identifiées comme partenaires de leur club de golf. S’associer à une entreprise de chez soi et l’encourager, ça fait partie des réflexes de la communauté locale.»

Auteur : Martial Lapointe, journaliste